Quelques idées de documentaire à réaliser en vidéo numérique:
Filmer la métamorphose
d'un lieu
Un quartier, un village
ou un paysage dont le visage se transforme, est une mine pour
l'objectif,
inutile de chercher loin. Pour le meilleur ou pour le pire, chacun peut
voir de
telles métamorphoses près de son domicile, de son lieu de travail ou de
villégiature... Ici, le temps joue pleinement en faveur de l'amateur,
mais
aussi la proximité. Non seulement vous êtes bien placé pour saisir les
changements visibles subis par votre environnement, mais vous êtes
souvent
informé par avance de ceux qui vont se produire. Bulletins de mairie,
associations de riverains,
voire conseils de quartiers, constituent
d'excellentes sources. Toutefois, les images chocs et autres
oppositions de
"Dramatisez" autrement dit
mettez l'accent sur les enjeux de ces transformations sur des
individus.
En effet, il ne
suffit pas d'effectuer une description, mais de démontrer quelque
chose. Quel
est votre parti pris? Plus intéressant encore : au fil du temps, vos
positions
peuvent évoluer. Les conséquences peuvent s'avérer moins dramatiques
que
prévues. Des points positifs inattendus se dégager. Et cette
auscultation du
réel au jour le jour, au travers de quelques exemples bien ciblés et
sur une
période suffisamment importante pour être significative, constituera,
sans
doute, l'aspect le plus intéressant de votre document. Si vous êtes
partie
prenante, le plus simple est d'intervenir vous-même devant la caméra.
Pour le
reste, choisissez des témoins dont le cas vous touche (si vous êtes
ému,
d'autres le seront) ou dont la situation risque d'évoluer. Dans tous
les
contextes, l'opinion des commerçants est précieuse, ainsi que celle des
concierges qui sont parfois sur place depuis longtemps et peuvent vous
indiquer
des pistes d'enquête originales...
Plus modestement, si vous
n'êtes pas prêt à vous lancer dans un travail au long cours, ou si vous
disposez d'archives, vous pouvez vous contenter de juxtaposer deux
époques dans
un film qui raconte la façon dont le lieu s'est transformé, au moyen de
vues "comparatives". Bien sûr, les documents actuels seront les plus
nombreux, car
plus faciles à réaliser. Côté archives, si vous êtes un cadreur de
longue date
et possédez des films vidéo (ou cinéma) d'"avant", basez-vous sur vos
anciennes images pour filmer les lieux actuels. Si vous ne disposez
d'aucune
archive d'époque, la Mairie vous fournira peut-être des vues
reproductibles à
des fins privées. Même de simples photos feront l'affaire, car, au
montage, il
est facile de placer un commentaire en voix off sur des images fixes.
Le
parallèle peut s'avérer émouvant. Ici, un terrain vague a laissé place
à un
immeuble high-tech. Là, une tour de huit étages se dresse à
l'emplacement de
votre ancien quincaillier! Pour accroître l'effet de métamorphose, il
est très
important de reproduire si possible les mêmes angles de vues pour que
la
comparaison gagne en intensité. Effet assuré !
Au fil des saisons qui s'égrènent, chaque protagoniste témoigne de sa quête affective à travers ses doutes. C'est bien sûr le dénominateur commun entre les personnages – la solitude et la recherche du grand amour – qui rend le film captivant. Le talent de cadrage du réalisateur fait le reste. Animé par cette même idée de rapprocher "artificiellement" des individus, on peut comparer la vie d'un jeune Français citadin de 10 ans à celle d'un Chinois du même âge, par exemple, les deux enfants s'exprimant tour à tour sur leur environnement quotidien. Mettez en exergue un dénominateur commun. Quoi de plus banal qu'un homme ou une femme cherchant l'âme sœur dans une grande cité occidentale? Partant de cette idée simple, il faudrait juxtaposer la vie de quatre célibataires (deux hommes et deux femmes) suivis durant un an, pour en sortir un document original.
Qu'il s'agisse d'une
station balnéaire en basse saison, un paysage de montagne ou un temple
bouddhiste, la façon dont on restitue l'atmosphère d'un lieu
différencie
souvent l'angle reportage de l'angle documentaire. Schématiquement,
pour
décrire un lieu, le reportage privilégie l'efficacité au moyen de plans
courts
et informatifs, alors que le documentaire installe le spectateur. La
réussite
de l'exercice tient donc au temps passé sur place. L'amateur qui n'est
pas tenu
à la dramaturgie journalistique peut ici laisser courir le tempo de la
séquence, et s'autoriser des plans presque "ennuyeux", par opposition
aux plans
courts des films professionnels.
Savoir écouter: les sons d'un
environnement proche apportent autant d'informations que
de sensations. Filmer une chambre pendant qu'on distingue - hors champ
- le
bruit que produisent les vagues en heurtant les récifs. Vous stimulerez
ainsi
chez le spectateur des sensations liées à votre propre vécu.
L'autoscopie permet une approche
intéressante. Imaginons l'ascension d'une montagne. L'approche
classique du
reportage sera constituée de scènes de préparatifs puis de l'ascension
en
elle-même, ponctuée des différents paysages traversés, de l'ambiance
des
bivouacs, et des difficultés rencontrées jusqu'au sommet où l'amateur
peut
enfin savourer la superbe vue.
Pratiquer l'autoscopie
n'impose pas de réaliser des exploits sportifs ni de vivre des
aventures
compliquées. L'approche restera tout aussi intéressante si — à la façon
d'un
carnet de voyage — vous parvenez à rythmer un périple avec des scènes
face à la
caméra où vous racontez l'étape ou les anecdotes qui l'accompagnent.
Attention,
même avec un grand talent d'improvisation, un minimum de préparation
est
requis. Prévoyez la thématique générale de votre propos et ajustez le
cadre
sans vous centrer, de façon à laisser aussi le reste de l'image "parler". Au
besoin, réitérez la scène.
Les réalisateurs
s'efforcent de choisir des thèmes originaux. Ainsi, dans Le Cauchemar
de
Darwin, qui a remporté le Prix du meilleur film documentaire
européen en 2004, Hubert Sauper prend pour prétexte le commerce
prospère de la
perche du Nil en Tanzanie pour s'attarder sur les conséquences
inattendues qui
en découlent: violences, prostitution et ventes d'armes à destination
de la
région des Grands Lacs... Mais suggérer une étroite relation entre un
poisson
d'eau douce et des kalachnikovs (c'est d'ailleurs l'affiche du film) a
requis
plusieurs séjours sur place, de l'obstination et quatre ans de tournage
(entrecoupés de pauses). Hubert Sauper a eu beaucoup de chance, car peu
de
sociétés de production acceptent de financer de tels "marathons".
Bien sûr, se lancer dans
une enquête de cette envergure n'est pas plus évident dans un pays
étranger que
près de chez soi. Toutefois, rien n'interdit de traiter un sujet proche
en
veillant à rester original.
Imaginons un cas simple
comme un lieu touristique situé à proximité. Il y
a fort à parier qu'il aura
déjà été traité ou
évoqué au cinéma sous un aspect ou un autre.
Pourquoi ne pas
le choisir comme fil rouge et imaginer un jeu de ping-pong entre ce
lieu et
l'image (stéréotype) qu'il véhicule?
Prenons Montmartre pour un Parisien. Dans le cas d'un reportage classique, le visiteur pressé filme généralement la basilique, le funiculaire, le superbe point de vue sur Paris, la place du Tertre, et, au mieux, Le Bateau-Lavoir ou Le Moulin de la Galette. Certes, le voici paré d'un film-souvenir sur un des quartiers les plus sympathiques de la Capitale, mais l'angle reste banal. C'est d'ailleurs celui que tout touriste avisé capte, non ? Alors, imaginez un traitement plus documentaire grâce aux nombreux films tournés sur la Butte.
Choisissez, par
exemple, le plus emblématique d'entre eux – Le Fabuleux Destin d'Amélie
Poulain
– et interrogez les responsables des commerces (le Café des Moulins,
l'épicerie
de M. Collignon) et d’attractions (le manège en contrebas du
Sacré-Coeur) qui
ont servi de décor à Jean-Pierre Jeunet. Tentez de rencontrer des
personnes qui
ont assisté au tournage de quelques scènes, de savoir si les touristes
font
souvent allusion, comment les habitants ont vécu cet hommage à leur
quartier,
et sont allés au cinéma voir le résultat... Panachez vos vues
personnelles avec
les scènes du film. Vous obtenez ainsi une bel petite construction...
Le registre animalier
est doublement particulier. D'une part, il est intimement lié au genre
documentaire. D'autre part, c'est un secteur où amateurs et
professionnels font
jeu égal, car ils subissent les mêmes contingences: préparation et
documentation sur le sujet, repérage approfondi, fabrication de caches
pour
l'affût, apport d'un téléobjectif puissant, enfin une infinie patience
pour
tourner des scènes qui se produiront selon le bon vouloir des "acteurs"
et non
selon le planning prévu ou les conditions météo.
D'où le nombre de documents amateurs "pointus" sur les sujets les plus inattendus. N'hésitez pas à vous lancer dans une approche très personnelle dans le choix de votre sujet. On se souvient des films de l'instituteur Daniel Auclair basés sur l'observation de la vie aquatique dans une mare. Ce dernier a réalisé plusieurs courts métrages aussi captivants que créatifs (La Mare aux drames, Les Dents de la mare) qui se sont distingués dans des festivals.
Peut-on mettre en scène un documentaire ?
Application
pratique. Au cours d'un tournage en Indonésie, j'ai rencontré un
villageois qui
a vécu un tremblement de terre, car sa maison était située à quelques
dizaines
de kilomètres seulement de l'épicentre du séisme. Tout s'est bien
terminé pour
lui, mais il a eu la peur de sa vie! Il nous raconte comment les
événements se
sont enchaînés. J'ai tenté dans ce cas — sur son commentaire off — de
lui faire
rejouer la scène telle qu'elle s'est déroulée : il préparait un plat
dans sa
cuisine, il a senti un premier tremblement faible, puis un deuxième
quelques
secondes après, enfin un troisième, terrifiant... Après le deuxième, il
a eu le
réflexe d'éteindre la gazinière et est sorti précipitamment de sa
demeure.
Comme dans Nanouk, la mise en scène consistait à reproduire une scène
qui s'est
réellement déroulée ainsi. Les séquences, bien évidemment, gagnent en
force par
rapport à une simple narration des faits.
Cette recette
s'applique aussi, au-delà du documentaire, aux simples reportages
touristiques.
Ainsi, très basiquement, dans le cas fréquent où vous êtes accompagné,
la forme
élémentaire de mise en scène consiste à prier votre guide d'attendre
quelques
secondes pour que vous vous placiez correctement. Conseil évident? Pas
tant que
cela, car, bien souvent, le guide commence son discours avant que vous
ne soyez
en train d'enregistrer.
De même, suggérez à votre
mentor d'effectuer telle ou telle action qu'il pourrait accomplir au
quotidien
comme marchander un objet ou discuter en langue locale avec des
habitants.
Votre seule limite, ne pas trahir la personne mise en scène en lui
faisant
faire n'importe quoi.
• Nanouk l'Esquimau de
Robert Flaherty
• Le Cauchemar de Darwin
de Hubert Sauper
• La Mare
aux drames de
Daniel Auclair (extrait) http://www.strimoo.com/videol
12432666/la-mare-aux-drame-MySpace Vid eos.htm/
• Le
Fabuleux Destin
d'Amélie Poulain de Jean-Pierre Jeunet, TF1 Vidéo.
Video-realité
La vidéo de réalité, le
reportage et documentaire, pratiques amateurs anciennes, retrouvent
l'engouement du public et des auteurs. Afin d'aborder genre en
professionnel,
voici les points forts à examiner.
Le succès en salles, à des
échelles et sur des registres différents, de films comme "Le Peuple
migrateur" de
Jacques Perrin, "Les Glaneurs, la glaneuse" d'Agnès Varda, "Les
Terriens" d'Ariane
Doublet ou "Massoud l'Afghan" de Christophe de Ponfilly... Décidément,
le
documentaire a le vent en poupe. Genre ancestral, il est né en même
temps que
le cinéma, chez les opérateurs Lumière qui inventèrent le plan séquence
et le
travelling dans l'ascenseur de la Tour Eiffel ou sur une gondole à
Venise. Mais
aussi la mise en scène documentaire dès "La sortie des usines Lumière"
ou
"L'Entrée en gare du train à La Ciotat".
La véritable démarche
documentariste est celle qui détermine un sujet autour d'un événement,
d’une
situation, d'une histoire, d'un personnage ou d'un lieu. Elle induit de
circonscrire ce thème, préparer ses séquences, faire des repérages, se
documenter, interviewer. Même un plan séquence de cinq minutes ou une
heure
("L’exploit" de Robert Kramer dans Berlin 10/90) sans coupure ni
montage
produit sa propre narration. Une durée avec un début, un
développe-ment, une
fin. Musique, témoignages directs ou off, commentaires, incrustations
de textes
vont surajouter du sens, aviver les émotions du spectateur, induire une
relation spécifique aux images projetées. Autant d'intentions du
vidéaste qui
constituent le "point de vue documenté" dont parlait déjà Jean Vigo (A
propos
de Nice, L’Atalante) dans les années 30. Prenons l'exemple d'une étape
du Tour
de France traversant la Beauce et imaginons quelques-uns des multiples
choix
de réalisation possibles. L'option reportage, "rapportant" l'événement,
se
concentre sur le factuel: ce qui s'est précisément passé d'un point de
vue
sportif. Le déroulement de l'étape, ses moments
Bien d'autres options
s'adaptent aux moyens du vidéaste. Partisan d'une optique minimaliste à
la
manière des Straub, il se poste sur un bord de route et cadre le même
champ de
blé ondulant sous le vent, attendant que la course (la caravane, les
échappés,
le peloton) traverse son champ de prise de vues. Pas de récit, un pur
enregistrement de durée, mais qui prend des significations complètement
différentes selon qu'il ajoute en bande-son une musique électronique
planante
ou du musette, un enregistrement radio de la narration de l'étape ou de
sa
En se détachant de
l'actualité chaude et éphémère d'une étape, l'auteur peut dresser le
portrait
d'un ancien coureur en se servant de la course comme toile de fond. Ou
bien
explorer les coulisses de l'épreuve et de la caravane publicitaire,
brosser une
galerie de portraits de spectateurs attendant le passage du peloton.
Autre
option: prendre cette manifestation comme prétexte, pour évoquer
l'activité
d'une bourgade en plein préparatif d'accueil. Quoi qu'il en soit, il
est
indispensable d'organiser un récit, de trouver une forme pour faire "exister"
des personnages, donner du relief à un paysage, un environnement, un
contexte.
Et ce malgré les impondérables, les accidents de tournage: conditions
climatiques, impromptus...
Le "réel" n'existe pas en
soi, il est toujours une reconstruction en images, plans et sons d'une
"réalité" vue sous un certain angle à un certain moment et dans des
conditions
données. C'est pourquoi les plus grands ethnologues cinéastes de
Flaherty
(Nanouk l'Esquimau) à Jean Rouch (Les Maîtres fous) n'ont jamais
prétendu à
autre chose que d'approcher au plus près l'esprit et la culture de ceux
qu'ils
filmaient. Nanouk est un véritable acteur (non-professionnel) qui
répète les
gestes de pêche pour le vidéaste comme les danseurs en transe
La réflexion préalable
Laisser "venir à soi"
l'événement, c'est risquer d'enregistrer une masse critique de rushes
difficile
à monter, avec beaucoup de séquences inexploitables. L'absence de
conception
préalable peut par-fois favoriser le hasard ou donner une tonalité
spontanée.
Mais cela requiert des bons réflexes, une conscience intuitive de la
construction. Les contextes sont en outre évidemment incomparables
selon les
démarches. Pour la vidéo animalière, il faut maîtriser l'affût, les
techniques
d'approche et d'observation, la. connaissance du biotope et des
comportements.
Pour le car-net de voyages, la capacité réactive va dépendre du rythme
du
périple., de la connaissance du terrain et de la culture, des lectures
et
recherches de documentation. A contrario, la réalisation d'un portrait
(personne ou lieu) dans son environnement proche, ne connaît pas la
même
urgence: on peut "préparer" les entretiens sans caméra, retourner des
séquences
insatisfaisantes ou manquantes et de fait "réécrire" son scénario en
fonction
des informations collectées, des réactions des témoins, et d'événements
nouveaux qui peuvent enrichir le sujet.
La pratique du DV comme
du montage numérique escamote de plus en plus les frontières entre
amateurs et
professionnels. En créant une dangereuse illusion: le tourné-monté
est
affaire d'expérience et ne s'adapte pas à tous les sujets et
traitements. Comme
il est rare de pouvoir inventer un film à partir d'une simple banque
d'images.
Plus le dispositif
scénaristique aura été anticipé, les sites de tournage repérés,
(éclairages,
angles etc.), plus 1a liberté du vidéaste sera grande pour réagir à
l'événement, capter l'inattendu. La capacité
Dans sa version anglaise
littérale, l'interview, signifie "avoir une entre-vue", quand
l'entretien à la
française laisse supposer un dialogue très posé et très dirigé par le
questionneur. Il a eu ses grandes heures à la radio et à la télévision
et ses
maîtres. Savoureux et fulgurants échanges Robert Mallet. Paul Léautaud
(réédités en CD par Radio-France), émissions de Jacques Chancel, Pierre
Desgraupe, Pierre Dumayet, Marguerite Duras et des enfants etc. C'était
du
temps, où on savait prendre le temps, on disait encore de la télévision
qu'elle
était de la "radio illustrée". Talk show, micros-trottoirs, babil de
JRI ou de
présentateur télé, accélération constante de la couverture des
événements et de
l'actualité, montage express évacuant les temps morts et silences ont
balayé ce
savoir-faire et ces délicats équilibres intervieweur-interviewés.
Aujourd'hui
tout un chacun est appelé à témoigner, à chaud et sans temps de
réflexion sur
tout et n'importe quoi. Le pouvoir, écrasant, est passé du côté de
l'intervieweur.
Il reste bien quelques "réserves de Mohicans" où s'exerce l'art de la conversation comme celle
d'un
Pierre Dumayet avec l'écrivain Roland Dubillard (diffusion sur Arte):
ou
comment permettre de s'exprimer quand le corps contraint et l'aphasie
demande
aux mots le temps d'advenir. Le principal refuge de la parole
authentique c'est
le documentaire avec le temps de l'approche, de la confiance installée.
Tout le
contraire de l'exercice narcissique très codifié du "Vous avez une
minute pour
convaincre de votre avis sur les causes de l'explosion de l'usine AZF,
de la
culpabilité de Papou, du pourquoi de la vandalisation de vos boîtes aux
lettres".
Au-delà des choix et
contraintes techniques, le choix stylistique est aussi important: les
questions
restent-elles au montage, l'intervieweur est-il invisible ou non,
relance-t-il
ou accepte-t-il certains silences, se focalise-t-il sur le sujet ou
fait-il des
plans de coupe sur des témoins, le décor, les mains ou le corps du
personnage?
Impose-t-il ou non le lieu du tournage? Pour le vidéaste amateur, ces
choix
dépendent sur-tout de ses ressources techniques, d'un travail d'équipe
ou
solitaire, d'un contexte de tournage, etc. Le cas de figure est
différent pour
le portrait d'un artisan vosgien ou vietnamien, sauf à disposer de
temps et
d'une prise de contact plus élaborée que celle que permet un voyage
organisé.
Mais rien ne lui interdit l'interview même posée, d'un guide
interprète, d'un
autochtone parlant français, ou d'un membre du groupe, pour pimenter et
casser
le flux du commentaire de son carnet de voyages.
A droite Agnès Varda
glanant, à la fin d'un marché, des séquences pour Les Glaneurs et la
glaneuse.
Ci-dessus, Maître Dessaud, avocat, parle du droit de glanage fondé sur
l'Ancien
Testament.
Chris Marker (La Jetée,
Le fond de l'air est rouge, Le Tombeau d'Alexandre, Lebel fine). un
maître dans
cet art, l'a magistralement démontré il y a près de quarante ans avec
Lettre de
Sibérie. Il fait se superposer aux mêmes images trois commentaires aux
sens
diamétralement opposés. Fausses "preuves du réel", les images,
induisent du
sens par la manière dont elles sont tour-nées (le cadre, l'utilisation
du gros
plan, du zoom, la caméra cachée etc.), montée (ce que l'on escamote ou
ce sur
quoi l'on insiste), mais aussi de la manière dont elles sont
commentées. Le
Forum des Images (ex-vidéothèque de Paris) détient en libre accès des
séquences
d'archives de la Libération de Paris, tournées et commentées selon les
points
de vue allemand, français et américain: confrontation renversante
Ici réside une question
morale qui intéresse le vidéaste amateur de films de voyages. Par ses
prises de
mies, insistantes ou non sur l'exotisme ou l'étrangeté d'une culture,
par ses
signes de pauvreté ou de mal-développement, il plombera ou non ses
images
par un commentaire, en introduisant de la distance, de L'information,
de
l'analyse ou en enfilant confine des perles clichés et stéréotypes.
Très présent dans le
sujet magazine et le documentaire télé basique, le commentaire
souffrait
d'une grande désaffection chez les cinéastes documentaristes, jusqu'à
une
époque très récente, sauf dans le film à base d'archives où sa
nécessité est
(presque) incontournable. Long-temps associé à l'image vieillotte du "docucu"
pédagogique, depuis quelques années, le commentaire revient sous la
forme
subjective. Planter le décor et son sujet dans les cinq premières
minutes,
distiller ses intentions, des éléments d'information et des
commentaires et impressions
personnelles au fil du film, sont devenus des caractéristiques très "mode" du
nouveau documentaire.
Pour le vidéaste amateur,
cette for-mule a longtemps été la bouée de secours et la réponse à ses
contraintes: son caméra médiocre, tournage solo, durée et rythme d'un
voyage,
problèmes de langue, manque d'expérience ou de goût pour l'interview et
pour
parachever le tout, besoin de simplification du montage et du mixage.
Question
de modèles aussi. Au risque de tomber dans bien des pièges. Le résumé,
pas si
condensé, de l'article de l'Encyclopaedia Universalis sur les gorilles
de
montagne ou du Guide Bleu des Cyclades, cela donne un "bloc texte"
indigeste et dont on
retient d'ailleurs peu de chose car il place toutes les images sur une
voie
parallèle. Parmi les autres risques majeurs, la redondance entre texte
et
image, de ton doctoral ou au contraire hésitant, l'écriture manquant de
style
ou de sobriété, la tentative de synchronisation systématique entre
images et
narration qui étouffe le plaisir de découverte du spectateur.
En s'inspirant des
solutions des professionnels comme en laissant son imagination libre,
le
vidéaste amateur peut recourir à de nombreux dispositifs dans ses
cordes
techniques. Humour ou ton intimiste pour l'écriture. Légendage en
incrustation
des sites ou des personnes, "cartons" pour séquencer la progression du
vidéogramme. Alternance des ingrédients: ici un commentaire sur une
scène
demandant éclaircissement, là une interview en Milice Over (enregistrer
in situ
ou non), respiration silence sur une séquence, sons d'ambiance...
II n'existe aucune règle
du bien faire, seulement des choix adaptés à un sujet, son traitement
et sa
personnalité.