Vous entrez dans l'univers grouillant de Xavier Rugiens !

Manifeste pour une Mise-en-Oeuvre du Monde (extraits) à l'Usage des Agités du Siphon, font, les petites marionnettes...



Contre l’invraisemblable tapage mercantiliste et son lourd manteau capitonné qui oppresse les joies, les peines, les cris d’amour et de colère, contre l’infamie d’un embrigadement militariste du labeur, contre le méthodique étouffement des sentiments par leur mécanisation abusive, contre cet hideux ordre moral pleurnichard et mélancolique, contre tout cela monte et avance lentement un chant d'amour puissant, une mélopée rédemptrice, un choeur unanime, une secrète et voluptueuse révolte intérieure qui exige enfin une mise en oeuvre du monde.)

La poésie fut, et doit redevenir, révélation ontologique, savoir intuitif à propos de l’absolue vacuité du monde. C’est une vérité humaine tragique qu’elle offre à la contemplation. L’oiseau-poète s’est posé à la source de l’ultra-monde, par delà les contraires, par delà les tragiques fractures humaines: bien et mal, corps et esprit, nature et culture, raison et sensible. Celles-ci sont définitivement solubles dans la poésie et l’être n’est plus contraint de choisir entre hémiplégie ou schizophrénie.

La poésie réorganise le monde selon ses propres perspectives, rétablissant la distance entre le proche et le lointain, le pur et l’impur, le beau et le laid. Lorsque la parole dépérit et dégénère en inaudible chant du monde., la poésie la fait rejaillir en un élan vers l’infini, en quête d’un obstacle qui l’arrête. En définitive, le poète accepte l’impulsion inconsciente qui le travaille, et l’activité consciente qu’il travaille. Il recherche cette coïncidence jubilatoire, bien qu'il sache qu'au moment même où son esprit découvre cette harmonie originelle entre l'oeuvre et le monde, lorsqu'il met au jour cet ordre parfait perdu lors de la création de l'univers, le contenu sensible de son oeuvre s’exténue soudain en un vertige immense. Mais il a nié pour lui-même un bref instant l’essence du monde, qui n’est qu’un douloureux vouloir-vivre enchaînant chaque être au grand temps dévorant.